Skip to content
Recherche

The Planet Smashers, toujours explosifs après 30 ans

De McGill aux scènes internationales, une épopée punk-ska portée par l’endurance, l’humour et l’esprit communautaire

The Planet Smashers, toujours explosifs après 30 ans
Jen Arnold

Trente ans. Dans le monde fugace de la musique, trois décennies, c’est une éternité. Ça témoigne d’un niveau de résilience et de passion que peu d’artistes possèdent. Pour les légendes du ska local The Planet Smashers, c’est un jalon qu’on n’espérait pas, un badge d’honneur porté avec la même énergie et la ferveur qu’ils ont disséminé dans des salles de spectacles partout à travers le monde.

Mais l’histoire des Smashers, c’est aussi celle de Stomp, leur compagnie de disques, dirigée par le leader du groupe, Matt Collyer. Ce double rôle donne à Matt une perspective unique sur la scène musicale locale, mais aussi sur sa propre carrière. Alors que le groupe se prépare pour une tournée de célébration des 30 ans de son premier album, Collyer a pris le temps de se confier à Rolling Stone Québec.


Lorsqu’on le rencontre, Matt se remet d’une petite grippe, mais reste de bonne humeur. Le groupe vient d’effectuer une mini-tournée aux États-Unis. «Cinq shows d’affilée, c’est à peu près parfait pour nous. On pourrait en faire 10, mais ça serait demander beaucoup. On est allé en Angleterre en mars dernier et c’était cool, mais tout le monde est tombé malade».

Malgré les reniflements et la douleur, la scène ne cesse de rappeler le groupe à l’ordre. Les Smashers retournent sur la route bientôt, cette fois-ci avec un solide line-up de légendes du ska et du punk, dont Mustard Plug, Big D and the Kid’s Table et Faintest Idea. «Ce sont des groupes qu’on connaît depuis longtemps et avec qui on adore tourner. La première fois que j’ai vu Mustard Plug, c’est quand ils ouvraient pour Grimskunk en ‘97, et Big D ont été les premiers à nous booker à Boston. C’est une belle petite communauté qu’on a», estime Matt.

Pour mieux comprendre l’énergie qui a permis aux Planet Smashers de durer aussi longtemps, il faut se rappeler des débuts fertiles et chaotiques de la scène ska montréalaise. Originaire de Toronto, Collyer déménage à Montréal pour étudier l’ingénierie à McGill. À cette époque, se souvient-il, il avait développé une passion pour le ska des premières heures, une passion héritée par son frère, dont le semestre à l’étranger en Angleterre l’a vu effectuer la transition de jeune banlieusard bien rangé à un rude boy en bonne et dûe forme.

«Il y avait déjà quelques groupes de ska ici, notamment Me, Mom and Morgentaler, et aussi un groupe de Toronto qui s’appelait King Apparatus. J’avais vu Me, Mom jouer dans le bâtiment de l’association étudiante, à McGill, et je m’étais dit que ça devait être vraiment le fun à jouer, comme musique. Après, j’ai vu King Apparatus au Bar Terminal, sur Ste-Catherine. Il y avait des néo-nazis dans la salle, et les groupes et la foule se sont associés pour s’assurer de les faire sortir. J’étais conquis. Quelques jours plus tard, un gars que je croisais sur le campus de temps à autre, que je croyais être du type sportif un peu niaiseux, est venu me voir en me disant qu’il m’avait vu à quelques shows. On s’est dit qu’on devrait partir un band, et ça a commencé comme ça.»

Mais qui dit ska dit cuivres. Matt et son acolyte se sont donc mis à recruter des trompettistes et trombonistes, grâce à un mensonge ingénieux. Sur les babillards du campus, ils ont affiché des annonces, expliquant qu’ils étaient un groupe bien établi, avec des tournées confirmées, et qui profitaient d’un grand succès en Belgique. «Les gens se sont mis à nous appeler, et il fallait que je leur explique que c’était une blague. Je croyais que c’était évident!»

Les premiers enregistrements se font à l’arrache, sur une console de 12 pistes (en réalité 11) payée grâce à l’héritage laissé au bassiste du groupe par sa défunte grand-mère. Malgré une qualité d’enregistrement douteuse et des chansons mal construites, le groupe se met à profiter d’un succès local modéré.

Les années 1990 étaient un terreau fertile pour des groupes du genre, une époque où tout était encore possible. «Il y avait quelques bars où tu pouvais aller chaque soir et tu savais que tu allais croiser du monde que tu connaissais, comme le Monkey House ou le Bifthèque. On était une petite communauté, avec The Kingpins, Me, Mom and Morgentaler, A Dream I Had. Il y avait aussi un groupe de jeunes de NDG, qui s’appelait Gangster Politics. Leur pianiste fait encore de la musique, il s’appelle Patrick Watson…»

De nature modeste, Collyer ne mentionne même pas que c’est lui, à travers Stomp, la maison de disques qu’il a fondée pour sortir les premiers albums de The Planet Smashers, qui a entre autres rendu possible la naissance d’un écosystème aussi vibrant. Ce qui devait être un moyen de publier leur musique est rapidement devenu une importante et vitale vitrine pour la scène punk et ska canadienne. Cet ethos DIY, né d’une nécessité, est devenu l’une des pierres angulaires du label.

Au fil des ans, alors que le ska a connu différentes époques et pics de popularité, les Planet Smashers sont restés une force constante, cultivant un public dédié à travers leurs spectacles de haute intensité et leurs chansons accrocheuses, drôles, conscientes, incongrues. Collyer, dans son double-rôle de patron de maison de disques et leader d’un des groupes les plus emblématiques du genre, a pu constater l’évolution du genre. «La différence, c’est qu’ils sont bons, dit-il des nouveaux groupes de ska qui émergent. Ce n’est pas ce qu’on a vu dans le ska de troisième vague, où c’est devenu un peu cheesy. Aujourd’hui, c’est l’équité et l’inclusion, c’est l'acceptation des différences de genres, t’as toute une scène qui se soutient. La justice sociale a fait un tel bond en arrière récemment que pour quelqu’un qui est dans un groupe de ska, c’est l’idéal, notre musique sert à quelque chose.»

Ça ressemble un peu, dit-il, à leurs propres débuts, même si tout a changé depuis. «Quand Life of the Party est sorti, c’est là qu’on a compris qu’on avait besoin d’engager des gens pour le label. On essayait de remplir les boîtes nous-mêmes et les livrer, alors qu’on vendait facilement 10 000 albums.»

Aujourd'hui, alors que Stomp Records s'apprête à célébrer son trentième anniversaire, Matt Collyer peut contempler avec une certaine fierté le chemin parcouru. Le label a permis à d'innombrables artistes d'émerger et de se faire entendre, et The Planet Smashers continuent de répandre leur joie communicative sur les scènes du monde entier.

Des scènes, les Smashers en ont foulé un peu partout, et chaque tournée apporte son lot d'aventures et d'imprévus. Collyer se souvient avec un mélange d'amusement et de consternation d'un incident particulièrement mémorable impliquant leur bassiste lors d'une tournée européenne. «On jouait en Europe de l’Ouest, et on a réussi à se faire booker à Moscou. C’était après la chute du mur, mais on voyait encore des parties du pays en train de se faire reconstruire, et la corruption régnait encore, raconte Matt. On a joué devant 800 personnes, mais personne ne nous connaissait, ils voulaient juste écouter du ska et boire. Il y avait une énorme bande de hooligans et de néo-nazis, ils se sont mis à faire des sieg heil durant Super Orgy Porno Party. On a bu comme des fous, les organisateurs ont essayé de nous tuer à la vodka. Arrivé à l’appartement qu’on louait, notre saxophoniste américain s’est vomi dessus. J’ai donc essayé d’être gentil, j’ai pris ses vêtements et je les ai lavés, vu que c’était les seuls qu’il avait. Le lendemain matin, alors qu’on se prépare à quitter la Russie, j’ouvre la laveuse et je vois plein de résidus de papier blanc. Je me suis dit qu’il devait avoir oublié un mouchoir dans sa poche. C’était en fait les débris de son passeport, qui avait été détruit dans le lavage. On a dû s’arranger avec l’ambassade américaine en Russie, ça a été toute une aventure!»

Ces péripéties, aussi stressantes soient-elles sur le moment, contribuent à forger l'identité du groupe et à alimenter leur longévité. Après 30 ans, ni les Planet Smashers ni Stomp ne semblent perdre de leur superbe. Si c’est surtout le label, et sa famille, qui le gardent occupé ces jours-ci, Matt et sa bande retournent sur la route, avec un arrêt au Théâtre Beanfield de Montréal, qui affiche déjà guichet fermé.


Ce qui devait être une activité parascolaire, alors que les membres du groupe terminaient leurs études, s’avère finalement être une des plus belles épopées de la scène montréalaise.

Plus de nouvelles

Turnstile se confie sur leur nomination aux Grammy et leur année record
Alexis Gross

Turnstile se confie sur leur nomination aux Grammy et leur année record

Ceci est la traduction adaptée d’un article de Brenna Ehrlich, originalement publié par Rolling Stone le 11 décembre 2025. Nous republions l'article originalement intitulé Turnstile Talk About Their Historic Grammy Nods — and the One Dream They Still Want to Come True avec la permission de son autrice. Notez que certaines subtilités et nuances peuvent différer de la version originale.

Pour le chanteur de Turnstile, Brendan Yates, une grande partie de l’année passée a semblé comme un rêve — une description qu’il glisse tout au long de sa conversation avec Rolling Stone à la suite des dernières nominations aux Grammy de son groupe. Le groupe hardcore de Baltimore a marqué l’histoire le mois dernier lorsque leur quatrième album, Never Enough, a reçu des nominations dans les catégories Rock, Metal et Alternative, ce qui marque la première fois qu’un même artiste est nommé dans ces trois catégories au cours d’une seule année. Et ce n’est là que le point final sur un incroyable douze mois.

Keep ReadingShow less
Roger Daltrey nommé chevalier par le Prince William

Roger Daltrey nommé chevalier par le Prince William

Roger Daltrey est désormais Sir Roger Daltrey, après avoir été fait chevalier de l'Ordre de l'Empire britannique. Le chanteur emblématique de The Who a qualifié sa nomination au rang de chevalier de «rêve» et d’«honneur incroyable», soulignant la portée de son parcours et de ses engagements. Âgé de 81 ans, il a été reconnu pour sa contribution à la musique et pour son rôle dans l’organisation des concerts du Teenage Cancer Trust au Royal Albert Hall.

L’investiture s’est déroulée à Windsor Castle, en présence du prince de Galles, et Sir Roger a tenu à préciser qu’il acceptait cette distinction au nom de tous les bénévoles et collaborateurs de la fondation. «C’est un double honneur pour moi, d’abord pour mon implication personnelle, mais surtout pour Teenage Cancer Trust, afin que ceux qui ne recevront jamais de distinction se sentent vraiment appréciés», a-t-il expliqué.

Keep ReadingShow less
MikeZup signe un dernier tour de piste avec «Compte à rebours»
JRDN Photography

MikeZup signe un dernier tour de piste avec «Compte à rebours»

Après avoir aidé à façonner le street rap montréalais des dernières années, MikeZup s’apprête à tourner une page importante de sa carrière avec Compte à rebours, son dernier album au format complet. L’annonce a surpris ses fans; «c’est sûr que les gens qui me suivent depuis longtemps sont déçus, mais toute bonne chose à une fin», explique-t-il, conscient que la décision peut sembler brutale et inattendue.

Pour MikeZup, la décision ne découle pas d’une lassitude de la musique, mais de réalités pratiques et personnelles. Père de famille et rappeur à temps plein, il décrit la difficulté de concilier passion et obligations : «Même le faire on the side, pour moi, c’est trop compliqué. J'ai un TDA, donc quand je suis fixé sur quelque chose, je suis fixé. Je ne peux pas être un rappeur et être autre chose en même temps.» L’artiste ajoute que le format traditionnel d’album au Québec est devenu difficile à professionnaliser et rentabiliser, malgré sa notoriété.

Keep ReadingShow less
Mike Shabb devient tifloccon et dévoile 'Stepper'

Mike Shabb devient tifloccon et dévoile 'Stepper'

2025 a été une année occupée pour Mike Shabb. Le producteur et rappeur montréalais a entre autres fait paraître Fight the Power, son album très attendu, en plus de multiplier les collaborations avec certains des artistes les plus en vue de la scène hip-hop, tant locale qu'internationale.

Keep ReadingShow less
PinkPantheress à Montréal en avril prochain

PinkPantheress à Montréal en avril prochain

PinkPantheress fera son retour à Montréal dans le cadre de sa tournée nord-américaine 2026, concluant sa série de spectacles au MTELUS le 15 mai. L’artiste britannique, connue pour son mélange de pop, drum’n’bass et bedroom pop, revient ainsi dans la métropole québécoise après sa précédente venue en 2024, offrant aux fans l’occasion de vivre en live ses succès récents comme Illegal, extrait de Fancy That, paru en 2025.

Keep ReadingShow less